Koban - Active & Connecte

LE GUIDE PRATIQUE DE LEADERSHIP EP.3 « MON COLLABORATEUR A CARTONNÉ ! »

image

Officiellement, nous espérons tous avoir dans notre équipe ce collaborateur qui casse la baraque par son intelligence, son audace, son sens de l’effort. Mais dans les faits, cela peut être un peu plus complexe. Le système hiérarchique, surtout s’il est purement pyramidal, induit des comportements que nous avons du mal à comprendre mais qui sont assez prévisibles finalement.

Un système hiérarchique est basé sur le caractère « sacré » (du grec hiéros) reconnu à une personne qui le rend légitime pour exercer le commandement (arkhê). Qu’est-ce qui peut rendre « sacré », donc légitime, un manager dans une entreprise dont la raison d’être est de dégager du profit ? Très souvent ses performances passées et actuelles.

La belle performance d’un collaborateur peut être vécue par le manager (plus ou moins consciemment) comme une menace . Une menace qui remet en question son caractère « sacré » sur lequel repose sa légitimité.

Il risque alors d’agir (plus ou moins consciemment) dans le but de nuire à la dynamique de réussite de son brillant collaborateur. En l’absence de hiérarchie, ce risque semble disparaître de lui-même. Se réjouir sincèrement de la réussite d’un autre est plus facile s’il n’existe aucune forme de compétition entre les individus.

Dans un système hiérarchique, le Leader devra, comme tout être humain, veiller à ne pas laisser sa peur d’être « détrôné » induire des comportements nuisibles à la motivation d’un collaborateur performant. Un moyen simple et puissant d’éviter cela consiste pour le Leader à remplacer la légitimité tirée de ses performances par une légitimité liée à sa compétence à agir en Leader.

Alors, me direz-vous, comment faire ?

Comme disait mon marchand de fruits et légumes, à moins que ce ne soit Aimé Jacquet, l’important c’est de voir ce qui se passe sur le terrain.

Alors voyons ce cas pratique.

J’ai été nommé directeur de l’activité car depuis quelques années, c’est moi qui ramène les plus gros contrats.

Un de mes collaborateurs revient d’un rendez-vous chez un client et m’annonce qu’il vient de signer un marché qui va le faire travailler lui et trois de ses collègues pour au moins 18 mois. C’est la première fois qu’un collaborateur obtient un tel résultat. Par ailleurs, je viens de recevoir un mail qui m’annonce le report sine die d’un très gros projet que je n’ai pas voulu déléguer.

J’ai quatre options plus ou moins pertinentes qui s’offrent à moi :

1)    J’accueille la nouvelle avec surprise. Je le félicite et lui rappelle que c’est avant tout un beau travail collectif. Je lui rappelle que je lui ai confié ce prospect car j’avais bien senti que cela serait pour lui une belle occasion de progresser et d’obtenir un bon résultat sur un terrain bien préparé par mes soins depuis plusieurs mois. Je ne me suis pas trompé car j’ai toujours su faire grandir mes collaborateurs. Je vais organiser un pot pour fêter cela à la prochaine réunion. Je le félicite encore et l’encourage à poursuivre ses efforts.

2)    Ce succès va sans doute avoir un effet positif sur sa confiance et il pourrait bien enchaîner les belles performances ! S’il a envie d’en parler, je serai tout ouïe. S’il a envie de fêter ça, je lèverai avec plaisir mon verre de champomy bio !

3)    Je me rends disponible, même si je suis de mauvais poil à cause de mon projet qui tombe à l’eau.

Lorsqu’il me dit « je pense qu’avec un tel résultat, j’ai droit à quelques félicitations non ? »,

  1. Je lui dis que je suis très content et soulagé par cette nouvelle car la réussite de tous est ce qui compte le plus pour moi
  2. Je lui demande de me raconter comment s’est passé le rendez-vous
  3. Je lui demande comment il se sent
  4. Je lui demande ce qui est le plus important pour lui
  5. Je termine en lui demandant s’il a quelque chose à me demander

Je prends soin de l’écouter avec empathie après chaque question.

4)    Je suis surpris de le voir caracoler comme ça, lui qui est « vert ». Ça doit être son rouge qui ressort. C’est normal, ça fait des mois que je vais le titiller sur ce terrain. Je le félicite pour ses progrès, l’encourage à poursuivre sa transformation. Je vais relever le niveau de ses objectifs pour qu’il ne s’endorme pas sur ses lauriers et qu’il n’explose pas mes frais de personnels avec ses primes.

 

Je vous laisse classer ces quatre propositions de la plus efficace à la plus farfelue pour vous.

Temps de réflexion………………………..

Mon classement : 2-3-1-4

2)    Ce succès va sans doute avoir un effet positif sur sa confiance…

Si notre collaborateur est un adulte autonome, il est capable de ressentir la joie d’avoir réussi quelque-chose de fort. En tant que Leader, je lui accorderai de plus en plus de confiance (qui exclut le contrôle). Cette confiance réelle et totale sera sa plus belle conquête qu’il n’aura de cesse de chercher à élargir et à consolider. Je devrai vraiment renoncer à jeter un œil par ci par là. Je devrai peut-être lutter un peu car ce n’est pas facile. C’est comme cela que je deviendrai un vrai bon Leader à ses yeux. S’il a besoin de partager sa joie ou d’autres choses avec moi, je serai tout ouïe bien sûr et il le sait !

3)    Je me rends disponible, même si je suis de mauvais poil…

Très beau geste technique inspiré des pratiques de coaching. J’ai géré ma peur de ne plus être légitime à cause de mon échec et de sa réussite. Puis j’ai appliqué avec concentration ce protocole de questionnement et d’écoute qui a permis à mon collaborateur de partager sa joie et bien plus. Je comprends de mieux en mieux ses besoins, ses attentes. Notre lien se renforce et se transforme en un lien qui libère. Bientôt, nous parlerons d’autre chose que de ses victoires lors de nos rencontres et ce sera parfait !

1)    J’accueille la nouvelle avec surprise…

Ma peur de perdre ma légitimité est touchante…Mais mon collaborateur n’a pas à en pâtir. Mon intervention minimise son succès (je souligne mon apport et l’apport de l’équipe). Mes félicitations rappellent subtilement que dans l’ordre des choses, c’est moi qui lève ou abaisse le pouce. C’est moi qui distribue les récompenses et les punitions. C’est moi qui suis au-dessus. J’ai beau être sur l’organigramme un « Leader », j’ai beau être « bienveillant » en le félicitant, ce n’est pas comme cela que je suis perçu émotionnellement par mon collaborateur. Je suis au mieux perçu comme « gentil » lorsque je félicite et « méchant » lorsque je tire la couverture à moi. Bref, rien qui lui permet d’avancer en autonomie et en responsabilité et rien qui lui permet de me percevoir comme un Leader.

3)    Je suis surpris de le voir caracoler comme ça, lui qui est vert.

On peut dire que je passe du temps et de l’énergie à accompagner chacun en fonction de ses besoins. Mais j’ai parfois un doute. Avec lui ça marche, mais avec certains, rien à faire…

En conclusion, féliciter, entretient une forme de dépendance. La confiance accordée par le Leader accélère la montée en autonomie.

A bientôt pour le prochain épisode !